ATELIERS D'ECRITURE

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Avanie et Framboise - Marie-José Svadchii

Avanie et framboise « Avanie et framboise » dit la maîtresse, « expression libre en dix minutes » et la maîtresse répond au regard de l’enfant qui se lève vers elle : « j’ai bien dit ‘Avanie et framboise’, expression libre en dix minutes ».
Les framboises ont un goût de printemps, à Paris il y a le Printemps tout le temps, en hiver, en été, en automne, il traverse toutes les saisons, écrit l’enfant, c’est le Printemps de Paris, mais au Printemps de Paris, il n’y a pas de framboises, et l’enfant dessine une framboise, comme celle qu’il a vue dans son livre de lecture et qu’il colorie en noir parce qu’il déteste son livre de lecture qui parle de vies, de paysages, de campagne et de lointains qu’il ne connait pas.
Des framboises, il n’en a jamais mangées, « c’est trop cher ! » dit la mère, qui le dimanche et les jours de fête, passe une crème couleur framboise sur ses lèvres, cela l’enfant l’écrit, il l’a goûtée sur les lèvres de sa mère la framboise, il en a senti le doux parfum velouté, il l’a aimée la framboise, framboise une fois, framboise deux fois, framboise tout au long de la ligne et l’enfant enfouit son nez, son visage, il s’enfouit tout entier dans les framboises qui maintenant débordent de la page. « Plus que cinq minutes » dit la maîtresse et l’enfant s’effraie, il n’aura pas le temps, pas le temps de terminer son devoir, il manque la vanille. « Maudite soit la maîtresse ». Il déteste la vanille, la vanille c’est pour les filles, le citron pour les garçons ! La maîtresse est une fille, c’est pour ça, elle n’a pensé qu’aux filles, elle a oublié les garçons et même s’ils ne sont que trois dans la classe, elle devait aussi penser à eux, mais cela il ne l’écrit pas, c’est dangereux, il espère une bonne note, s’il n’a pas une bonne note, son père le battra encore une fois et sa mère pleurera, lui ne pleurera pas pour ne pas l’attrister davantage. Il est citron mais aussi vanille à l’intérieur. « C’est fini » dit la maîtresse.
« Vous avez deux minutes pour vous relire, ensuite je ramasse les copies ». Alors, l’enfant écrit : « J’adore les glaces au citron avec de la vanille dedans ! » « Seulement dix » annonce la maîtresse à l’enfant, en lui rendant son devoir, « ton texte est beaucoup trop court et je ne peux quand même pas t’offrir une glace à l’avanie devant tous tes camarades ! » « A la vanILLE », reprend l’enfant avec sérieux, tandis que la classe est secouée d’un énorme fou rire C’est à ce moment là que l’enfant se souvient de l’histoire lue, la veille, par la maîtresse, l’histoire de cette petite fille qu’on avait assise dans un coin avec un bonnet d’âne sur la tête, hou ! avaient fait les enfants et la maîtresse de s’écrier : « quelle avanie ! ». Il venait, à son tour « d’essuyer une avanie » comme l’avait expliqué la maîtresse et en tout cas, de glace à la vanille il est dégoûté à jamais.

Marie-José Svadchii © Tous droits réservés