ATELIERS D'ECRITURE

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AVANIES et FRAMBOISES - Philippe Bonnet

Rio vivait avec une tranquille douceur un moins de juin qui savait que le doux hiver austral n’était pas loin. Comme chaque jour, l’immense plage d’IPAMENA accueillait, en surplus des baigneurs. une foule active de jeunes footballeurs qui s’affrontaient en mini équipe de six joueurs, chacun croyait être le successeurs du roi Pèlé, tous espéraient être remarqué par un entraineur perspicace.
Entre les sportifs avides de gloire et la zone où viennent se reposer des vagues avachies, MELISSA s’était découpé une bulle virtuelle ; là, son corps se nourrissait de soleil, MELISSA désirait être encore plus belle, plus fine, plus halée ; ses pensées, toutes ses pensées étaient intensément celles d’une femme amoureuse.
Cent fois par heure elle se récitait cette phrase magique qui lui avait été murmurée en français : « Elles sont à toi, bien sur, mais se sont mes framboises brésiliennes » Ce cocasse assemblage de mots qui faisait penser à un message codé prenait, avec la locution portugaise de MELISSA une sonorité imprévue, drôle … elle en riait elle-même, et alors l’image de JULIEN, tapie dans un détour de son âme devenait précise, tellement réelle qu’elle en fondait de bien être.
C’est à l’Alliance française qu’elle avait rencontré Julien ; attaché à l’Ambassade de France , il enseignait La Littérature romantique à l’Alliance. Ce rôle lui allait parfaitement , il avait tout d’un héros de Chateaubriand, non , mieux encore, il était Ruy Blas, visage émacié, yeux vifs et avides de vie, d’actions, de sensations…son aplomb devant les gens paraissait sans réserve, sa disponibilité au Monde sans limite. ; ce genre d’homme n’est pas courant au Brésil, on y pratique en effet le culte du corps, on y exalte la masculinité musculeuse qui facilement peut déraper dans un machisme sans nuance ni humour ; non, Julien était fin, sensible, drôle..
MELISSA , elle, cherchait à mieux connaitre la langue française, celle qui avait donné le jour aux droits de l’Homme avant qu’elle les propose au Monde entier. Ainsi, MELISSA était attirée par le cheminement de ces combattants de la Liberté qui avaient misé leur vie pour que l’Egalité avance sans jamais pouvoir reculer.
Cette démarche, historique, linguistique, presque philosophique les avait fait se croiser, se découvrir, puis se rapprocher avant que tout naturellement ils deviennent amants.
La divine surprise de MELISSA fut de découvrir que Julien savait dans l’amour, harmoniser la tendresse, la réserve, mais aussi une imagination sensuelle incroyable dans sa force et ses imprévus, souvent allégée par un humour latent qui simplifiait les perceptions en même temps qu’il déculpabilisait. C’est ainsi, que, dans un moment de trêve, de pause, il lui avait alors qu’il s’attardait sur sa poitrine apaisée, sorti la phrase magique »Elles sont à toi, bien sur, mais se sont mes framboises brésiliennes » Melissa avait du reste mis un peu de temps à saisir qu’il voulait parler des aréoles qui achevaient la finesse de ses seins.. Après un violent fou-rire qui pris du temps à se dissiper, cette phrase était devenue leur sésame, leur code de ralliement ; un de ces secrets que les amoureux aiment tant inventer, pour être ainsi plus proches, plus soudés.
Mais Julien avait su aller beaucoup plus avant que le calembour de jardin potager, il avait su se faire aimer, il avait montré qu’il était épris… Trop belle la vie carioca, trop prometteuse, ils avaient tant à construire !
Appelé au Quai D’Orsay, il était parti la veille au soir pour Paris, il y avait une sorte de fierté « peut être le Ministre veut il connaitre mon opinion ? « expliquait-il pour taire la coupure créée par la séparation. Six jours passent vite, et les retrouvailles seraient titanesques pas moins..
Mélissa tentait, elle d’héberger sa solitude dans cette foule joyeuse mais aveugle à qui ne jouait pas au ballon. Curieusement tous les transistors qui sonorisaient la grève émirent, tout d’un coup, tous ensemble une étrange musique triste ; le son profond des violoncelles glaçât les corps dénudés; alors la voix du speaker annonçât que le vol vers Paris avait disparu dans l’Océan.
Les framboises, elles, mirent un peu de temps pour se flétrir ….

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